Cette fin de XXe siècle est certainement le siècle de la communication et par conséquent de la publicité.
Certains ont été constamment agressés par elle, d'autres ont été longuement caressés par elle. Sans publicité, le consommateur - vous et moi - aurions bien du mal à faire notre choix. C'est les annonces publicitaires écrites ou audiovisuelles, qui nous permettent de faire notre choix et d'acheter un produit grâce à un minimum de critères.
Mais la publicité n'est pas une invention du XXe siècle. Elle remonte à la nuit des temps. La première publicité est probablement née au Liban; si l'on en croit les historiens, et pourquoi ne pas les croire. Les jardins de l'Eden où vivaient Adam et Eve, ne seraient autre que Ehden, ce centre d'estivage, si près de Zghorta. Et la Bible nous apprend: "Dieu dit à Adam qui vivait dans l'Eden: tu pourras tout faire, mais tu ne pourras pas manger les fruits de cet arbre", en lui désignant un arbre majestueux. Et Eve rêvait de goûter au fruit défendu. Puis le diable déguisé en serpent, la persuada d'y goûter... On connaît la suite. Là nous retrouvons tous les ingrédients d'une publicité moderne. Une très belle femme, nue, un produit (les fruits de l'arbre), un texte motivant, créant un besoin. Le seul problème de cette publicité, c'est qu'elle était mensongère, et la finalité des réactions au produit ne correspondait pas du tout à la description qui en a été faite par le publiciste. Aujourd'hui, en France, grâce au B.V.P. (Bureau de Vérification de la Publicité) elle aurait été interdite et son rédacteur et annonceur (Satan) puni. C'est nous qui avons été punis. C'est également une réalité de la publicité moderne. Le consommateur moderne, naïf, ne trouve pas souvent son compte englobant tout ce que la publicité lui présente, et surtout au Liban où il n'y a toujours pas de B.V.P. ou d'organisme similaire.
LES ORIGINES
La première affiche connue date de 3.000 ans avant J.-C. C'est un papyrus égyptien, découvert à Thèbes, qui offre une récompense à qui retrouvera un esclave perdu.
En Grèce, des informations destinées au public étaient peintes sur des tablettes en bois exposées sur les places publiques.
Les Romains créèrent l"Album", mur blanchi à la chaux, annonçant un spectacle ou une vente, ou même des problèmes personnels.
En 1477 après J.-C, l'Anglais W. Caxton imprime la première affiche qui annonce les cures thermales de Salisbury.
En 1482, le Français Jean du Pré réalise pour le chapitre de Reims, la première affiche illustrée à l'occasion du grand pardon de Notre-Dame.
Très vite les affiches prolifèrent tant et si bien que, dès 1839, elles sont interdites sur les murs des propriétés privées en Angleterre. A Paris, le préfet Rambuteau fait édifier des colonnes réservées à l'affichage, à partir de 1842.
LES PETITES ANNONCES
En 1611 s'ouvre à Londres "un bureau d'adresses et de rencontres", où l'on pouvait déposer des petites annonces. Mais il faut attendre la parution de "La Gazette" de Théophraste Renaudot, en 1331, avec une rubrique "Petites Annonces".
PUBLICITE DANS LA PRESSE
Lors du lancement de son journal "La Presse" en 1836, le Français Emile de Girardin invente la publicité, telle que nous la connaissons. Il définit le principe selon lequel les recettes publicitaires doivent financer une part importante du journal, afin que son prix de vente soit accessible à tous.
LA PUBLICITE AU LIBAN
Ce n'est qu'un siècle plus tard que le Liban découvre la publicité telle que nous la connaissons; sur la fondation exacte de la création des deux premières agences de publicité, les dates exactes prêtent à controverse. Mais tout le monde s'accorde à dire qu'elles auraient eu lieu entre 1935 et 1936.
Pour l'Union des Français du Liban, notre grande fierté est que parmi les précurseurs, c'est un Français, Gabriel Brenas, ancien inspecteur de la Sûreté nationale, excellent dessinateur, qui fonde une première agence en mars 1935. Mais cette agence aura une durée éphémère. Elle ferme en 1939, Gabriel Brenas ayant été rappelé sous les drapeaux. Aujourd'hui, son fils Alain, prend la relève. Partenaire de l'agence Trust-Sofir, il marie sa fille à un autre Français, Erwin Guerrovitch, président directeur général de l'agence "Intermarkets".
En 1936, Fouad Pharaon, qui travaille à la boutique Béranger, propriété de la famille Chouery (un des grands annonceurs d'An-Nahar, Lissan Ul-Hal, Al-Rawad, Telegraph, Ad-Dabbour, La Revue du Liban, Al-Hadith, Al-Massaa, Al-Nida) qui, après un stage à Havas-Paris, fonde son agence. A l'époque, la publicité se calculait au nombre d'unités, et non pas en référence à sa grandeur et à sa position.
UN PREMIER TEXTE
L'agence "Pharaon Publicité" est considérée comme le pionnier, car elle a fonctionné sans discontinuité de 1936 au début des années 70.
En 1940, un jeune étudiant, Chafic Hadaya, qui dirige la revue "Al-Shira"', fait du porte-à -porte pour avoir de la publicité pour rentabiliser sa revue. Assaad Najjar (Continental) lui demande un texte pour promouvoir la marque qu'il représente. Chafik rédige le teste suivant: "Hier deux voleurs ont pénétré par effraction à la boutique Najjar, mais ils n'ont pu s'emparer de l'argent, n'ayant pu ouvrir le coffre de marque "Continental". Après enquête, la police recommande à toutes les boutiques d'acquérir des coffres de marque "Continental".
A l'issue de cette première publicité, les ventes de Continental ayant sensiblement augmenté, Assaad Najjar lui confie tout son budget publicitaire. Mais ceci n'est pas suffisant pour couvrir ses dépenses. Il conclut un accord avec la municipalité de Beyrouth pour "patronner" les matches de boxe. L'un des meilleurs dessinateurs de l'époque est un certain Fayez Sultan. Chafic s'associe avec lui pour fonder une agence de publicité qui prendra le nom de SNIP (Société Nationale de Publicité et d'Impression). Cette société sera opérationnelle jusqu'en 1978. Sise à l'immeuble Byblos, près du cinéma Rivoli, son siège sera dévasté durant les événements. SNIP sera une véritable pépinière de publicistes. De ses rangs sortent Philippe Hitti et le regretté Elie Nawaz, qui fonderont la société "Publicité Universelle" ainsi que Saïd Sabbagha, actuellement président de l'Association des agences de publicité.
LES FRANÇAIS DU LIBAN ET LES NOUVELLES AGENCES
Une troisième et extraordinaire agence Syes (pour Sioufi, Yonan et Compagnie) voit le jour. Cette agence aura la réputation d'être la plus correcte, vu l'honnêteté indéniable de ses fondateurs. Faisons un saut dans le temps pour présenter un deuxième Français, créateur d'agence de publicité. Il s'agit de notre ami Gilbert Milles, qui fondera "Eclair", dont la direction est confiée à M. Jean-Pierre Régnier. Un troisième Français est considéré comme un des pionniers de la publicité au Liban. Il s'agit de l'ami Erwin Guerrovitch. En effet, en 1956, les Ets Fattal, qui fonderont par la suite un holding, lancent leur propre agence, Hemas, qui après fusion avec d'autres agences deviendra Intermarkets. Intermarkets sera la première agence à se lancer dans le panarabe. A la fin des années 60, un autre Français, Moustapha Assaad, acquiert l'agence Publi Graphics à qui il donne une grande expansion. Moustapha Assaad sera par la suite élu président mondial de ITAA (International Ad-vertising Association).
Comme on peut le lire, l'apport des Français du Liban à la publicité est relativement important, comparé au nombre des Français qui vivent dans le pays.
LES REGIES
Si nous avons traité jusqu'à maintenant de l'histoire des agences, il n'en reste pas moins que dans le domaine du démarchage de la publicité, les Français du Liban sont également fortement implantés et se montrent particulièrement dynamiques. Mais avant de continuer, qu'il me soit permis d'expliquer un mot technique à nos lecteurs. Une mention doit être faite sur le rôle des Régies. Une régie est une société qui démarche de la publicité, pour un ou plusieurs médias.
La toute première régie libanaise est Advision. Elle voit le jour en 1959. Elle agit alors pour le compte de Télé-Liban, dont un des principaux actionnaires est la société française Sofirad.
La première régie totalement indépendante est la MEM, qui est fondée en 1967 par le Dr Lucien Dahdah, et qui a pour collaborateurs Ghazi Abou-Jaoudé, Eddy Breidy (un Français du Liban), Mayada Daftari, Michel Hmouda et Robert Honein. La MEM gère alors "Ousbouh el-Arabi, Magazine, Jeune Afrique, la revu Meed, Radio-Monte-Carlo et les Actualités Libanaises".
Actuellement, le plus important groupe de régies est présidé par un Français du Liban, M. Antoine Choueiry. Ce groupe gère notamment au Liban. La LBCI, C33, Télé-Liban, L'Orient-Le joUr, An-Nahar, As-Safir, Massira et une multitude de radios.
Comme on peut le lire, depuis les premiers balbutiements de la publicité au Liban, à nos jours, les Français du Liban se sont montrés des précurseurs et particulièrement dynamiques.
(Bulletin de l'U.F.L.)